À destination des parlementaires
Les organisations de salariés et d’employeurs de la branche du spectacle vivant public s’adressent ensemble aux parlementaires membres des commissions culture et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2025.
Depuis plusieurs années, nos organisations alertent sur la dégradation du service public des arts et de la culture, qui fait écho à celle de tous les services publics dans notre pays.
La culture est un puissant levier de développement et de cohésion pour les territoires et leurs habitants. Le spectacle vivant propose des moments rares et précieux : nous faisons vivre des émotions à des populations de classes sociales différentes, d’opinions politiques variées, de tous genres, en situation de handicap ou non, jeunes ou en fin de vie…
Nous sommes un service public d’une densité incroyable : nous proposons des spectacles dans les villes, dans les campagnes, dans des salles dédiées, dans des gymnases, sous des chapiteaux, dans l’espace public… Nous nous adressons à toutes et tous, sans aucune forme d’exclusive. Nous proposons des actions de médiation et nous sommes les opérateurs de l’éducation artistique et culturelle.
Nous ne sommes pas délocalisables et reposons sur l’humain. Notre force repose sur l’emploi des artistes et techniciens, qui représente la part essentielle du coût d’un spectacle et des actions culturelles que nous déployons.
Depuis février dernier et l’annonce par Bruno Le Maire de coupes budgétaires sans précédent pour le Ministère de la culture, mais également pour d’autres politiques publiques essentielles comme l’éducation nationale, la recherche, la transition écologique et les financements des collectivités territoriales, nos organisations de salariés et d’employeurs ont décidé de mener une bataille ensemble pour promouvoir le service public de la culture.
Nous abordons, toujours déterminés, la préparation budgétaire pour la Loi de finances 2025 sous le double prisme du budget du ministère de la Culture, et de celui des financements des collectivités territoriales. Nous sommes également très attentifs à celui de l’Éducation nationale et des financements de tous les services publics.
Dans ce contexte, la branche du spectacle vivant porte plusieurs revendications précises à l’attention des parlementaires.
- Le rétablissement intégral de la coupe budgétaire de février 24 dans les socles des programmes et des actions impactés ; nous demandons en particulier que les 96 millions amputés au programme 131 dédié au spectacle vivant soient intégralement rétablis.
- L’ensemble des organisations de la branche demande un refinancement de ce programme à hauteur de 100 millions d’euros, lesquels seront équitablement répartis entre les lieux, les festivals et les équipes artistiques des compagnies conventionnées comme des compagnies indépendantes d’intérêt général. Ces financements poursuivront plusieurs objectifs – apurement des déficits, amélioration des salaires du secteur, soutien à l’emploi durable, et refinancement de la politique en faveur de la création artistique.
- Nous insistons sur le fait que ce financement peut être gagé sans difficulté sur les crédits attribués à la part individuelle du Pass culture dans le programme 361. Les parlementaires pourront consulter les trois rapports (Cour des Comptes, Sénat, IGAC) qui contestent le bien-fondé de ce financement et montrent son inefficacité.
- Le FONPEPS a enfin pris sa vraie vitesse de croisière, avec un taux de consommation égal à 100 %. Nous demandons que les crédits soient intégralement budgétés en crédits de paiement au BP 24 pour en assurer la pleine maîtrise, soit 56 Millions d’euros. Nous demandons par ailleurs que des corrections au dispositif réglementaire arrêté en janvier 2023 puissent être apportées pour s’adapter mieux à la réalité de l’emploi du secteur.
- Nous demandons enfin, que les crédits d’impôts du spectacle vivant soient rétablis en tant que tel (et non pas sous forme de déductions fiscales qui font perdre l’intérêt de la mesure au plus grand nombre de nos membres) ; nous demandons également que les dispositions élargies l’an dernier s’étendent au champ chorégraphique et aux spectacles de plein-air.
- Nous sollicitons la suppression de “et faisant appel aux services réguliers d’un groupe de musiciens.” de l’article 281 quater du Code Général des impôts. Cette mention fait peser sur le cirque de création une disparité de traitement.
- Enfin, nous souhaitons la confirmation, dans les plus brefs délais, de pouvoir continuer à bénéficier de régimes de TVA particuliers adaptés à nos activités, à savoir le taux réduit à 5,5% et particulier à 2,1%.
En parallèle, nous sollicitons toujours la mise en œuvre de notre accord professionnel unanime du 27 octobre 2023, relatif à l’assurance chômage des intermittents du spectacle. Alors qu’une nouvelle négociation sur l’assurance chômage devrait s’ouvrir dans les prochains mois, nous réaffirmons la nécessité de ne pas fragiliser les annexes 8 et 10 mais au contraire que nos propositions d’améliorations puissent être entendues
Notre secteur traverse une phase particulièrement critique, conséquence d’insuffisances budgétaires notoires. Le ministère de la culture estime, lui-même, que 70 % des labels seront en déficit en 2025. Les équipes artistes sont victimes d’une réduction drastique du disponible artistique qui freine à la fois la production et la diffusion, pourtant au cœur du projet dit « mieux produire mieux diffuser » dont, ensemble, nous avons contesté la mise en œuvre incohérente et inéquitable sur l’ensemble du territoire.
La crise menace la diversité artistique. Quand la baisse programmée des spectacles varie entre 25 et 50 % selon les lieux, l’émergence est clairement menacée. La crise sociale sera la conséquence de la crise budgétaire. Mais à l’inverse d’autres secteurs, le spectacle vivant ne licencie pas, il n’embauche plus. C’est un modèle unique et envié, garant de la création et de la richesse culturelle de notre pays, qui est menacé aujourd’hui.
Dans le contexte des déficits publics, les 0,8 % du budget de la culture ne pèsent hélas pas lourd tandis que toute nouvelle coupe accélérerait la catastrophe.
Les collectivités territoriales, qui sont nos premières partenaires publiques, ont-elles aussi besoin de retrouver de l’air. Elles sont en première ligne des services publics, c’est-à-dire des besoins vitaux de la population. De tels besoins ne peuvent être assurés sans les ressources nécessaires à une politique publique ambitieuse et redistributive.
Annexe sur un aspect non budgétaire du Pass culture
Nonobstant les redéploiements budgétaires du Pass culture inscrit au programme 361 vers le programme 131, les organisations de la branche unanimes rappellent leur opposition de principe à la part individuelle de ce dispositif et demandent aux parlementaires, de bien vouloir agir auprès du gouvernement sur trois points :
- Engager une évaluation indépendante des actions du Pass culture (part individuelle et part collective) ; cette évaluation n’a jamais eu lieu, et nous ne pouvons collectivement nous contenter exclusivement des bilans réalisés par la SAS Pass culture. Il nous semble temps de prendre acte des conclusions du rapport de l’IGAC, qui fait lui-même suite aux rapports de la Cour des Comptes et du Sénat ;
- Prendre l’engagement d’une concertation approfondie avec les organisations professionnelles d’employeurs et de salariés, et les collectivités territoriales sur la part collective du Pass culture, pour en améliorer le cadre et faire un instrument véritable d’éducation artistique et culturelle, ce qu’il n’est pas aujourd’hui dans la plupart des actions menées ;
- Remettre en cause les statuts et la gestion de la SAS Pass culture, qui n’a plus aucun fondement dès lors que le financement public est exclusif.